1/13/11: Haïti, un an après: où en est la reconstruction?

Haïti, un an après: où en est la reconstruction?

Par Gaëlle Coursel – publié le 13/01/2011 à 09:53

Un an après le séisme qui a fait plus de 200.000 morts et un million de déplacés en Haïti, la reconstruction tarde à se mettre en place. Témoignages, explications, vidéos: notre revue de web pour comprendre.

Il a suffit de 90 secondes pour tout balayer en Haïti. Le 12 janvier 2010, un séisme s’abattait sur cette petite île des grandes Antilles, une des plus pauvres de la planète, faisant 200.000 morts et deux millions de déplacés (lire le récit d’un souvenir du jour de la catastrophe, sur Le Nouvelliste.com).

Au lendemain de la catastrophe, l’élan de générosité est immense. Les pays donateurs s’engagent à verser 5,3 milliards de dollars sur les deux prochaines années et 9,9 milliards de dollars au total (voir une carte des donateurs dans le monde). Les dons des particuliers s’élèvent rapidement à 40 millions de dollars. Haïti a alors l’espoir de remettre rapidement son économie sur les rails.

Un an après, un rapport de l’organisation humanitaire Oxfam dénonce la lenteur de la reconstruction. Seuls 5% des décombres ont été dégagés, et près d’un million de personnes restent sans-abri. A peine 300.000 sinistrés ont retrouvé un toit depuis la catastrophe. Le Champs de Mars, place principale de la capitale Port-au-Prince, ressemble toujours à un vaste bidonville.

Les infrastructures et les routes restent pour la plupart détruites. Depuis l’apparition du choléra à la mi-octobre, qui a déjà tué plus de 3.500 personnes, le pays est maintenu dans un système d’urgence. Et la reconstruction des 400.000 bâtiments détruits se fait toujours attendre.

Des dons qui tardent à arriver

A l’heure du bilan, les regards se tournent principalement vers les bailleurs de fonds. Seuls 42% des 2,1 milliards de dollars émis par les gouvernements en 2010 ont été données à la fin de l’année, selon le bureau de l’envoyé spécial de l’ONU en Haïti. Les Etats-Unis, plus gros contributeur, ont reporté à 2011 le versement de la quasi-totalité de leur aide (1,17 milliard de dollars).

L’organisation Oxfam pointe du doigt l’échec de la Commission provisoire de reconstruction d’Haïti (CIRH) créée en avril et dirigée par l’ancien président américain Bill Clinton. Paralysée, la commission ne s’est réunie que trois fois en un an, selon Camille Chalmers, économiste haïtien, qui témoigne auprès de la journaliste Céline Camoin (voir vidéo). Il dénonce le manque de transparence dans l’attribution des fonds de la commission et la non-consultation des Ongs de base.

Les Ongs mises en cause

“Je n’ai rien contre les ONG, nous avons besoin d’elles. Mais nous devons savoir ce qu’elles font de notre pays, les contrôler”, estimait Jean-Max Bellerive, le Premier ministre haïtien, en décembre sur la BBC. « Où est passé l’argent des dons? Pourquoi les ONG sont-elles encore dans la gestion de l’urgence, plus occupées à assurer la survie des Haïtiens qu’à trouver des solutions durables pour reconstruire le pays? » s’interroge notamment Youphil.

Le nombre d’acteurs présents sur le terrain -plus de 1000 au moment du séisme- et leur manque d’organisation auraient contribué à transformer Haïti en véritable « république des Ongs » selon Radio Canada. Une étude de l’organisme indépendant Disaster Accountability Project révèle que 80% des ONG présentes en Haïti ont refusé de dévoiler leurs comptes. Et Youphil de confirmer qu’un « business humanitaire » s’est bien mis en place sur l’île depuis un an.

L’instabilité politique toujours en cours

Du point de vue politique, le pays traverse aussi une période difficile. Sur RFI, le représentant spécial des nations unies en Haïti Edmond Mulet estime que la reconstruction ne pourra véritablement commencer après le changement de gouvernement car « seules des institutions fortes de l’appui du peuple haïtien seront à même d’assurer le leadership nécessaire à la reconstruction du pays ».

L’AFP informait mardi que le président haïtien René Préval refusait pour l’instant de quitter le pouvoir le 7 février 2011, faute d’avoir un président élu avant la date de la fin de son mandat. Le Conseil électoral haïtien n’a pas fixé de nouvelle date pour le second tour des élections présidentielles, dont les premiers résultats avaient provoqué des violences dans le pays.

Comment reconstruire l’ile?

Certains observateurs alertent sur les dangers d’une reconstruction à l’identique : “C’est pour moi la solution : il ne faut pas reconstruire en Haïti ce qui existait. Il ne faut pas rebâtir aux mêmes endroits, dans les mêmes conglomérats sordides de baraques et de taudis. Il faut un plan de développement ou de redéveloppement des campagnes.” détaille le blog Planète-Haïti.

La priorité, pour le géographe Jean-Marie Théodat, spécialiste des questions de développement à l’université Paris 1, c’est de “construire enfin un pays qui soit viable selon des normes qui soient rationnelles” du point de vue de l’urbanisme, de l’assainissement, ou des normes antisismiques (voir la vidéo). Il s’agit là d’une des clés pour faire redémarrer l’économie de ce pays.